La montée de la judiciarisation et l’arrivée du concept de Gouvernance d’entreprise ont fait prendre conscience aux entreprises de l’importance de maîtriser leur production documentaire. L’archivage a longtemps été considéré par les entreprises comme une charge, un coût ou une obligation sans valeur. L’objectif était surtout de faire « disparaître » le papier des bureaux ou de libérer de l’espace sur les serveurs. Aujourd’hui, nombreuses sont les Directions Générales qui reconnaissent la nécessité de conserver pour préserver les traces et les preuves de leurs activités. La publication de la norme ISO 15489 sur le Records Management il y a plus de 10 ans maintenant a permis de conceptualiser une approche de l’archivage plus en phase avec les besoins des entreprises. Dans le même temps l’engouement pour la gestion et le partage des connaissances a pris un essor considérable. En parallèle à l’approche RM se développait une démarche KM (Knowledge Management). Force est de constater que si ces deux démarches ont au moins un point commun : la gestion de l’information, jamais elles ne parviennent réellement à se rencontrer dans les entreprises ! J’ai eu à mener différents projets d’archivage et je me suis toujours appuyée sur la norme 15489 sans jamais réellement me poser la question des liens entre KM et RM. La mise en œuvre d’une politique d’archivage au sein de la Recherche et Innovation de l’Oréal m’a amenée à repenser les besoins de l’entreprise et des collaborateurs. En effet, analyser l’information managée par le KM ou relevant du RM, c’est constater que ces deux démarches ont un périmètre documentaire commun. Il s’agit de prendre en compte des documents à la fois engageants mais aussi de connaissance. Ils sont engageants pour l’entreprise ou ses dirigeants et de connaissance pour les collaborateurs.
En effet parler d’archivage en ne mettant en avant que les seules exigences règlementaires est, à mon sens, trop restrictif et ne reflète pas tous les besoins en R&D. En revanche prendre en compte les connaissances produites en interne c’est permettre la valorisation du savoir des experts et ce, à deux niveaux dont l’un va permettre de répondre aux besoins de traçabilité des engagements pris par l’entreprise. Les archives sont à l’actif du bilan des entreprises en ce qu’elles représentent une valeur contenue dans des documents engageants. De la même manière, le savoir des experts est à la fois une valeur pour le fonctionnement de toute organisation mais aussi un savoir à partir duquel le management peut s’engager. Préserver les savoirs des experts c’est valoriser leur expérience et leurs connaissances acquises au fil des années. C’est à mon sens, un apport considérable à toute démarche d’archivage. En effet archiver ce n’est pas seulement conserver et détruire, c’est aussi savoir pourquoi et pour qui on conserve. C’est un acte de gestion fort qui démontre l’engagement et la connaissance des managers dans ce représente l’information produite, les savoirs sur lesquels peuvent reposer leurs choix. En fait, gérer les documents avec prise en compte de règles de gestion et dans le respect d’une politique d’archivage validée par les décideurs, c’est adopter une démarche d’archivage managérial.
C’est aussi permettre à l’entreprise d’anticiper sur des besoins futurs : démontrer, prouver expliquer. L’archivage managérial c’est prendre en compte les lois qui définissent les documents à conserver, la gestion des connaissances qui permettra à la fois de protéger les savoirs mais aussi d’aider à l’innovation et enfin, l’expérience de ré-utilisation d’informations qui donne de la valeur probante à certains documents (le choix d’utilisation d’une matière première en s’appuyant sur les expériences d’un chercheur ou sur les écrits d’un collaborateur mondial reconnu par ses pairs°
L’archivage managérial c’est donner un sens et un contexte aux décisions prises soit par les collaborateurs soit par le management. C’est le moyen d’expliquer pourquoi, dans quelles conditions et fonction de quel état de l’art et des connaissances une décision a été prise.
L’union du Knowledge Management et du Records Management, dans ce qu’elle permet à la fois de répondre aux besoins des collaborateurs (protéger, valoriser et partager leur savoir) et aux besoins de l’entreprise (protéger, maîtriser et tracer les documents engageants) est une approche pragmatique des besoins de gouvernance de l’information.